
La crue majeure du Rhône de 2003 qui a inondé, entres autres Arles et la plaine de Beaucaire, a été un traumatisme pour des populations qui se pensaient protégées par des digues de terre centenaires, mal entrenues, sous tutelle d'une cascade d'autorités : syndicats locaux, propriétaires fonciers, préfets, mairies, départements et autres intervenants. La conséquence de ce désastre a été, de manière très française, de provoquer une recentralisation de la gestion de l'ensemble du sillon rhodanien pour remédier à la gabegie. Les études, les travaux, la sensibilisation des populations aux risques se sont multipliés. Jusqu'à accompagner de projets artistiques. Tel celui de Bertrand Stofleth.
La proposition du photographe est tout bonnement remarquable. Il a entrepris de photographier le fleuve depuis sa source jusqu'à son delta. Un livre devrait, d'ici la fin de l'année 2014, retracer l'ensemble de ce parcours. Un premier volume vient de paraître. S'y trouvent des photos prises entre Pont-Saint-Esprit et la mer. La réussite de la démarche de Bertrand Stofleth tient à la conjonction de plusieurs facteurs. Une approche de style documentaire strict rarement observée dans la photographie française d'abord. Face à ces images, Jean-Louis Garnell passerait pour un romantique. S'il faut chercher une référence, c'est du côté de la photographie américaine qu'il faut regarder : Mitch Epstein ou surtout Joel Sternfeld. Une photographie post Topographics donc.

L'autre élément marquant qui saisit à la vue de Rhodanie est la capacité de Stofleth à embrasser dans un même regard des réalités multiples que Michel Poivert définit dans son analyse du travail comme étant "L'art des rives". Il s'agit de représentations, de théâtres, où se jouent des scènes. L'on perçoit tout à la fois l'exploitation utilitaire du fleuve par les agents économiques et publics (usines, pont du TGV à Avignon, tourisme en Camargue), ouvrages de contention du fleuve ou modestes canaux d'irrigation, dimension historique (le pont aux lions d'Arles détruit par les bombardements américains de 1944) et surtout la manière des habitants de vivre ces lieux plutôt désolés : constructions sauvages en deçà des digues, parties de pêche ou simples lieux de promenade.
Enfin, même si elle est très différente, la maquette est tout aussi travaillée et pertinente que celle de Paysages Usagés que Bertrand Stofleth a publié il y a quelques mois avec Geoffroy Mathieu.
Bertrand Stofleth, Rhodanie, Éditions 205, deux cahiers sous reliure souple, 44 pages. Conception graphique Bureau 205.
Allez voir ailleurs !
Le site de Bertrand Stofleth et celui de des Éditions 205 qui publient l’ouvrage.
Review de Paysages Usagés.