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Christien Meindertsma PIG 05049




Designer et artiste conceptuelle, Christien Meinderstma a accédé à une reconnaissance internationale immédiate avec son premier livre Checked Baggage publié en 2004. Après les attentats du 11 septembre, la sécurité dans les aéroports du monde entier a été drastiquement renforcée et de nombreux objets (coupe-ongle, canifs…) interdits en cabine. Elle a acquis les 3264 objets saisis au cours d'une même semaine à l'aéroport Schiphol d'Amsterdam. Elle les a ensuite classés de manière typologique et photographiés sur fond neutre. Chaque exemplaire du livre était vendu avec l'un de ces objets. Par delà l'obsession sécuritaire, la mondialisation des échanges était déjà le propos de ce premier opus.

Meinderstma récidive aujourd'hui avec Pig 05049. Avec brio, elle entreprend de vérifier le dicton selon lequel "tout est bon dans le cochon". Mais, la mondialisation étant passée par là, nous sommes, aujourd'hui, bien loin de la ferme de nos grands-parents. Concrètement, la photographe a choisi de suivre le destin post mortem d'un animal en particulier, le cochon numéro 05049. Évidemment le fait que le producteur (agriculteur ?) donne à ses bêtes des noms purement numériques est une première indication sur la relation homme-animal. Partant de diagrammes fort précis (reproduits en début d'ouvrage) sur la destination des différents organes du cochon 05049, Christien Meinderstma a donc photographié les différents produits issus de sa transformation. Dans une parfaite logique typologique, les dérivés de l'animal sont classés en chapitres correspondant à leur provenance : "peau", "os", "viande", "organes internes", "sang", "graisse" et "divers" pour les plus singuliers. Chaque produit est reproduit dans le livre à l'échelle 1. Dès les premières pages, on est saisi de stupeur à constater que le peau du cochon entre dans la composition de gants de jardin, de collagène injectable, de chewing-gum, de vin, de lait UHT, ou de mousse au chocolat. Pour chaque produit, en guise de légende est indiqué de quelle manière le cochon participe de sa fabrication. Par exemple, pour le vin, Meinderstma indique que "la gélatine (issue de la peau du cochon, NDR) peut être utilisée comme agent clarifiant. Elle réagit avec les tanins et les substances amères absorbent certains éléments pour les séparer de la boisson."



De page en page, le lecteur non-spécialiste de l'industrie et/ou de la cochonnaille va de surprises en stupéfactions. On découvre encore au hasard que les os entrent dans la fabrication du papier abrasif, des allumettes ou du film photo. Si la viande a un destin plus évident, même sous des formes peu ragoûtantes, les organes internes peuvent devenir de l'insuline, des peaux de tambours ou des valves cardiaques. Le sang, outre la saucisse, intervient dans la fabrication de cigarettes. La graisse se retrouve dans la peinture, la lessive ou les cosmétiques.


Bien évidemment, dresser un inventaire à la Prévert des dérivés du cochon n'est pas le propos de Christien Meinderstma. Elle ne vise pas non plus a ériger un catalogue d'interdits pour les végétariens où pour ceux dont la religion réprouve la consommation de porc.

Il s'agit plutôt pour elle de pointer les excès d'une industrie mondialisée au sein de laquelle chaque parcelle du corps de l'animal peut parcourir des milliers de kilomètres avant d'être transformée pour, peut-être, revenir à son point de départ. La froideur du protocole déployé par la photographe évite que l'ouvrage ne sombre dans le prêchi-prêcha ou le militantisme bien-pensant. En outre, Pig 05049 atteint page 71 une forme tautologique sublime lorsque l'on tombe sur la reproduction de la couverture de l'ouvrage que l'on est en train de parcourir. Couverture qui, elle-même, comme celle de la plupart des livres, contient de la colle d'os de cochon. La boucle est bouclée et la messe dite.




Christien Meinderstma, Pig 05049, Flocks, 192 pages.


PS : Formellement, l’objet-livre est magnifique avec, comme dans tout bon ouvrage de référence, des onglets pour trouver directement le chapitre que l’on recherche. Au dos du livre est épinglé ce genre de punaise de plastique jaune que l’on appose généralement à l’oreille des cochons d’élevage.


Allez voir ailleurs !

Le site de Christien Meindertsma.

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