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Daido Moriyama LABYRINTH


Une planche contact est (était) une esquisse, une étape du travail photographique, un outil voué à demeurer dans l'atelier du photographe. La fameuse série de vidéos initiée par William Klein où des photographes donnaient leur part de vérité, en expliquant leurs choix, a popularisé cet objet. Depuis, les recueils de planches contact se sont multipliés. Il s'agit souvent de projets éditoriaux paresseux. Leur point de départ ? Associer un nom célèbre au fantasme du lecteur de comprendre la genèse d'un chef-d'œuvre à partir des images qui précèdent ou suivent sa captation. Comme si le succès en photographie était lié à des questions de cadrage, d'instant décisif et non de démarche, de réflexion, d'intégration d'images au sein d'un projet qui les transcende.


Labyrinth est un objet entièrement différent. On y reconnaît bien, ici ou là, quelques icônes du maître japonais, le chien ou les jambes gainées de collants résille, par exemple. Mais, découvrir les conditions de leur origine n'est pas l'objet. Pour ce livre, Daido Moriyama a réalisé de nouvelles planches contact sur lesquelles cohabitent des négatifs d'époques différentes. Une bande de film des années 1960 peut ainsi en côtoyer d'autres, plus récentes. Par le remix, Moriyama abolit la notion de chef-d'œuvre. Toutes les images sont égales. Parfois, le spectateur pense être face à un film entier de nus ou d'autoportraits, pourtant l'observation des numéros d'images, indique qu'il se trompe… le plus souvent. On peut voir dans cette radicalité l'affirmation de l'absolue liberté du créateur sur son œuvre. Voire un discret pied de nez aux institutions qui du LACMA à la Tate Modern lui rendent hommage en exposant… ses chefs-d'œuvre.

Le titre, Labyrinth, recouvre le dédale que l'auteur crée au sein de son œuvre, mais aussi la plongée que le lecteur effectue dans les méandres de son univers mental et visuel. Ses obsessions sont patentes. Goût des formes géométriques qui souvent se répondent à quelques bandes de distance. Une roue dialogue avec le cercle du logo Lucky Strike, par exemple. Les images d'images sont légion : écrans de télévision, enseignes lumineuses, affiches… Les mannequins de vitrines sont tout aussi nombreux. Se retrouve, bien entendu, sa passion des villes, de leur incessant mouvement. On reconnaît Tokyo, bien sûr, mais aussi Paris, New York ou Barcelone. Les planches contact ne sont pas annotées. Ainsi l'œil vagabonde sur la double page, est attiré par une image. En ignore d'autres. De même que Moriyama plonge dans le flux de la vie, le spectateur plonge dans le flux de ses photos captant un élément ici, un autre là. Ironiquement, Labyrinth se clôt par une planche d'autoportraits, l'une des seules qui semblent provenir d'un seul et même film. Dans sa célèbre marinière, Moriyama s'y représente grimé en Auguste, le clown blanc et triste. En face se trouve un court texte, le seul du livre. Il s'achève ainsi : "Les différents royaumes que je visite sont comme les pièces éparses d'un puzzle qui ne pourra jamais être reconstitué." Lucidité face à l'impossibilité de déterminer le pourquoi d'une photographie ou de la conscience humaine.


Daido Moriyama, Labyrinth, coédition Akio Nagasawa Publishing et Aperture, relié sous jaquette pour l’édition japonaise, broché sous jaquette pour l’américaine, 304 pages. Conception graphique : Hiroshi Nakajima.


Allez voir ailleurs !

Le site de Daido Moriyama et celui d’Aperture.

Durant tout l’automne 2012, la galerie Polka qui représente Daido Moriyama en France lui consacre un cycle d’expositions. Toutes les informations sont sur le site de la galerie.

Exposition Klein + Moriyama à la Tate Modern à Londres.

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