
"Les livres de photographie sont différents des expositions. Dans un livre, tourner une page suffit à faire disparaître l’image précédente. Cela crée un rythme très important." C’est ce qu’écrit Andrea Diefenbach au mur de… l’exposition consacrée à son livre Land ohne Eltern au Fotobokfestival d’Oslo. Cette tautologie illustre toute la difficulté de l’exposition de livres. Difficulté que cherchent à tourner tous ceux qui promeuvent le livre de photographie comme medium artistique. Et comme l’union fait la force, le Fotobokfestival a invité cette année le FotobookFestival de Kassel qui présente sa shortlist de projets de livres à côté de la sélection de projets du Nordic Dummy Award organisé par la Fotogalleriet. En lancement du festival était officiellement annoncé la parution du livre du lauréat 2014, Härkälä d’Ikka Tolonen, un travail étalé sur près de 25 ans, en Finlande, sur un groupe d’hommes d’abord jeunes et fiers et peu à peu rongés par le tabac et l’alcool.
Autre invité du Fotobokfestival, le Photobook Museum dans sa version cargo. Le musée, fondé par Markus Schaden, a connu une préfiguration à Cologne en 2014 dans une ancienne fabrique de câbles. Il s’est maintenant converti en un musée itinérant hébergé dans des containers industriels qui permettent un transport simple par camion ou bateau et servent une fois arrivé à bon port de salles d’expositions. À Oslo sont présentés les livres de Carlos Spottorno, The Pigs, Carolyn Drake (récemment nominée à l’agence Magnum), Two Rivers, Oliver Sieber, Imaginary Club, Ricardo Cases, Palomas al Aire, Ali Taptik, Métropole Yesili et Andrea Diefenbach, Land Ohne Extern. À Oslo, le musée est implanté sur une place du centre-ville, l’accès en est libre (comme pour toutes les autres manifestations du festival) et l’on observe les passants intrigués venir voir ce qui se trame là. Certains passent un long moment à découvrir les livres. Cette volonté d’ouverture du livre vers les non-spécialistes se retrouve dans la reconstitution à l’identique du mythique Café Lehmitz photographié par Anders Petersen à la fin des années 1960 et aujourd’hui détruit. À Oslo, le Lehmitz est lui aussi implanté sur la place Youngstorget. Comme le dit avec humour Schaden, "c’est la première fois au monde que l’on peut boire un verre dans un livre de photographie". Pour la soirée d’ouverture, une fête était organisée au Lehmitz et il était remarquable de voir des dizaines de jeunes gens, attirés par les échos de la musique, passer de longs moments à observer les images d’Oliver Sieber réalisées dans des clubs underground qui visiblement trouvaient un écho en eux.
La Fotogaleriet accueille l’étude conçue par The Photobook Museum pour analyser la genèse et la postérité du livre majeur de Ed van der Elsken, Love on the Left Bank. Là encore la décontraction et la bonne humeur sont de mise. Non par anti-intellectualisme mais parce qu’il s’agit de toucher le public le plus large possible. "Il faut qu’en 5 minutes le public soit attiré. Il faut lui dire voici le livre et en condenser l’idée pour qu’il ait envie d’en découvrir la complexité" explique Markus Schaden.
Le Goethe Institut héberge 990 Faces de Hans Jürgen Raabe, projet monstre toujours en cours, qui devrait s’étaler sur dix ans et consiste, comme son titre l’indique, en 990 portraits réalisés dans une trentaine de lieux autour du monde et regroupés en pas moins de 33 livres. Les volumes déjà réalisés sont exposés et le public est invité à les parcourir.
À découvrir à TM51, Dr Strand de l’artiste et fondatrice de la revue Objectiv, Nina Strand. Beau travail autour de la mémoire de sa mère décédée à retrouver dans un magnifique petit livre en forme de carnet Moleskine publié par l’éditeur suédois Journal.
Morten Andersen bénéficie de sa première exposition d’importance dans sa propre ville à la Shoot Gallery. On peut y parcourir son impressionnante production de livres conçus depuis plus de quinze ans. Mais surtout on peut y admirer ses remarquables tirages. Pour qui se serait laissé duper par l’énergie punk-rock dégagée par certains de ses livres, ces images mises au mur dévoilent un Morten Andersen flâneur à la recherche de la poésie du monde.
Lancements de livres et conférences rythment les dix jours du festival. Des stages sont organisés pour les enfants et les adolescents, reprenant un credo de Markus Schaden : Si l’on veut développer la culture visuelle autant commencer très tôt. C’est comme pour la musique classique. Un enfant qui en écoute tous les jours exerce son oreille et pourra apprécier telle magnifique sonate de Beethoven. Mais il faut que ce soit quelque chose de très joyeux.
Allez voir ailleurs !
Tout le programme du Fotobokfestival sur le site de Forbundet Frie Fotografer.
Le site du Photobook Museum.