
En 1976, Daido Moriyama s'associe avec Keizo Kitajima et quelques autres photographes pour ouvrir, à Tokyo dans le district de Shinjuku, une galerie indépendante, le CAMP. Kitajima, qui a été l'étudiant de Moriyama, occupe les lieux durant toute l'année 1979 avec douze expositions mensuelles. Ce qu'il fait alors tient plus de la performance, voire de l'esthétique punk, que de l'accrochage traditionnel. Ainsi que le titre dans sa polysémie le suggère, le photographe travaille en circuit court et "révèle" Tokyo. Il prend des photos et les expose très rapidement après, surchargeant les murs de la galerie du sol au plafond. Parfois, utilisant l'espace comme un agrandisseur géant, il fixe au mur une feuille vierge, y projette un négatif puis développe l'image à l'aide d'une éponge. Pour chacune de ses douze expositions, il publie un petit livret de 16 pages imprimées à fonds perdus. Ceux-ci sont aujourd'hui réédités en fac-similé et réunis en coffret. Kitajima démontre avec Photo Express Tokyo que l'exposition ou le livre ne sont pas un aboutissement, mais une part même de l'acte photographique.
Formellement, la parenté avec Moriyama est patente (grain, fort contraste…), pourtant, comme le notent Ryuchi Kaneko et Ivan Vartanian* "les différences sont évidentes entre l'œuvre des deux artistes. Alors que Moriyama était un adepte du style bure-boke (flou) pendant [cette] période, les images de Kitajima présentent toujours un sujet aisément identifiable." Il photographie principalement la vie nocturne, et l'on semble bien s'amuser alors à Tokyo : night clubbing, corps dénudés. Dans les premiers numéros, Kitajima cadre de manière serrée exclusivement sur des corps et des visages. Puis, peu à peu, les plans s'élargissent : scènes de rue, vitrines de magasins, paysages urbains. Dans sa radicalité, Photo Express Tokyo semble pourtant signifier la fin d'une époque, celle d'une photographie japonaise expressionniste marquée par William Klein et le magazine Provoke.
Keizo Kitajima, Photo Express Tokyo, coédition Steidl, Le Bal, 13 volumes de 16 pages, piqués metal, sous emboitage cartonné. Conception graphique : Keizo Kitajima.
* In Les livres de photographies japonais des années 1960 et 1970, Seuil, 2009.
Allez voir ailleurs !
Présentation du livre sur le site de Steidl.
D’autres images de Photo Express Tokyo sur One year of books et sur CroCnique.
Une conversation avec Ivan Vartanian.