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Malick Sidibé CHEMISES



Il a fallu attendre les premières Rencontres de la photographie africaine organisées, en 1994, à Bamako pour que l'Occident découvre Malick Sidibé. Depuis lors les honneurs se sont multipliés pour le photographe, né en 1935 dans un petit village du Mali : en 2002, la France le fait Chevalier des Arts et Lettres ; en 2003, il reçoit l'Hasselblad Award ; en 2007, il est le premier photographe africain à recevoir un Lion d'Or à la Biennale de Venise… Avant cette reconnaissance tardive, Sidibé a débuté sa carrière comme assistant d'un photographe français installé à Bamako. Surnommé "Gégé la pellicule" celui-ci lui enseigne les bases du métier, puis le charge de photographier les soirées de la classe moyenne de Bamako, lui-même se réservant les photos des colons.

Peu après l'indépendance du Mali en 1960, Sidibé ouvre son propre studio. Sous le gouvernement tiers-mondialiste et socialiste de Modibo Keïta le Mali s'ouvre, dans un même mouvement, à l'influence des "pays frères" et à la musique occidentale. Dans cette période d'euphorie et d'insouciance, le Studio Malick rencontre rapidement le succès. Sidibé est de tous les événements de la société civile malienne : matches de foot, mariages, mais surtout les bals populaires organisés par la jeunesse de Bamako rassemblée en clubs aux noms évocateurs : "Los Cubanos", "Les Caïds"… Le photographe réalise jusqu'à cinq reportages par nuits avant de rentrer développer les films. Au matin, il colle les tirages de lecture sur des chemises cartonnées qu'il affiche aux murs du studio. Dans les jours suivants, les protagonistes des soirées viennent commander leur photo.



C'est une petite partie de ces "chemises" qui sont aujourd'hui reproduites en fac-similé. Taches, froissures, marques du temps, la qualité de reproduction est extraordinaire, tant on a réellement l'impression d'avoir en main les chemises mêmes de Malick Sidibé. Outre cet aspect formel, l'intérêt de l'ouvrage est double. D'une part, cette plongée dans les archives permet de voir se mettre en place la grammaire du photographe. Les premières images sont assez heurtées, voire maladroites, puis rapidement sans formalisme excessif, Sidibé prend le parti de photographier ses modèles devant un mur, un arbre ou souvent dans l'angle d'une pièce. On ne peut pas dire que telle ou telle image se détache de ce qui n'est, in fine, que la reproduction d'un état provisoire d'un travail commercial. Pourtant, on ressent à la vue de ces portraits réalisés "en situation de reportage", la patte du fin portraitiste de studio qu'est parallèlement Malick Sidibé.


D'autre part, cet ensemble fournit une documentation unique sur la société malienne urbaine dans une période charnière de l'histoire du pays (1962-74) du lendemain de l'indépendance à celui du coup d'état militaire de Moussa Traoré. Même si la situation politique n'apparaît qu'en creux, Sidibé réalise, à travers ses photos vernaculaires, une radiographie de la société malienne. Dans les années 60, les hommes sont uniformément en complets sombres, chemises blanches et cravates. Les femmes se partagent entre tenues évoquant les photos de jeunesse de nos mères et robes de wax. Les années 70 voient l'arrivée des pattes d'eph et des mini-jupes. Traces de la colonisation et désir d'Occident mêlés.


Au cours des années 70, l'intérêt pour les clubs va diminuant parmi la jeunesse malienne, et peu à peu Malick Sidibé cesse ses sorties nocturnes pour se concentrer sur les portraits de studio qui ont fait sa renommée.


Malick Sidibé, Chemises, coédition Steidl GwinZegal, 168 pages.


Allez voir ailleurs !


Suite à plusieurs commentaires, nous allons tenter de proposer quelques liens permettant de poursuivre ailleurs la découverte des photographes et des livres présentés ici.


Présentation de Chemises sur le site de l’éditeur

Différentes photos de Malick Sidibé ici

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