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MY LOST AMERICA et PINKY AND KILLER DX



Pour quelque raison, en cette ère mondialisée où les livres jouent aisément à saute-frontière, la distribution des livres de photo japonais reste disons erratique de ce côté-ci de la planète, exception faite de quelques stars. Très différents l'un de l'autre, les livres My lost America de Nakano et Pinky & Killer DX de Photographer Hal, repérés à Paris Photo, entrent en résonance avec les thématiques de la représentation urbaine, de l'altérité et du style évoquées dans des posts récents.


Les images de My Lost America ont été réalisées au cours de nombreux voyages aux USA dans les années 1980. Ce sont des snapshots en couleur captés à New York, Los Angeles ou San Francisco. Sans avoir la puissance fondatrice des Américains de Robert Frank, le travail de Masataka Nakano l'évoque pourtant irrémédiablement. On y retrouve le regard curieux de l'étranger face à une civilisation différente. Nakano n'exprime pas la fascination de nombreux photographes européens contemporains ayant trop bien digéré l'héritage de Winogrand ou de Stephen Shore. Il photographie en voyageur la banalité américaine des 80's : voitures immenses et paysages urbains (motels, parking lots et playground). Il s'attache à l'humain (portraits posés, scènes de rue ou body-builders en action) et s'attarde sur les mœurs sociales (mega-churches et concerts pop en plein air, bronzette à Central Park et jeux de plage à Coney Island). Une certaine nostalgie, qu'indique bien assez le titre du livre, flotte sur ces images. Elle passe par la colorimétrie, déjà datée années 1980 (1), par l'insouciance qu'expriment la plupart des visages, mais surtout par la silhouette récurrente des Twin Towers. Car le vrai sujet du livre est la recherche du temps perdu. Le temps d'avant le 11 septembre.



Celui qui se fait nommer Photographer Hal est un sympathique otaku aux cheveux en pétard qui paraît tout droit sorti d'un manga. Il ressemble beaucoup à ses sujets : de jeunes couples de joyeux fêtards. Il s'est immiscé dans les love hotel et les clubs de Kabukicho, quartier chaud de Tokyo en lisière de Shinjuku. Hal vient du monde de la pub et cela se voit. Ses images très colorées sont directes, centrées sur les sujets. Les vues au grand-angle, en légère plongée, cerclées par un fort effet de vignettage accentuent l'effet de focalisation sur le sujet. Le sujet de Hal, justement, est le couple qu'il définit avec une simplicité désarmante comme "le groupe minimal sur terre". Pour autant, ses couples ne sont pas de tristes figures engluées dans le quotidien. Bien plutôt des party boys & girls qui se la donnent au milieu de la nuit. Centrées sur les personnages, les photos de Hal ignorent tout hors-champ. Du cadre de prise de vue, on ne voit pas grand-chose. De la "vraie vie" des modèles on ne sait rien. À mille lieues des clichés sur la société japonaise véhiculés par tant de photographes étrangers et tenant à distance l'ombre des maîtres japonais issus des années Provoke, Photographer Hal dévoile, dans une forme cohérente et ludique, une facette de la réalité japonaise contemporaine. C'est déjà beaucoup.


(1) Au risque de se répéter, voir à ce sujet le texte éclairant d'André Gunthert .

Masataka Nakano, My lost America, Little More, 2007, 178 pages.

Photographer Hal, Pinky & Killer DX, Tosei-Sha, 2007, 138 pages.


Allez voir ailleurs !


Images et bio de Masataka Nakano .

Le site de Photographer Hal .

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