
To Face était présenté à Paris, à l'automne 2011, au sein de l'exposition Topographie de la Guerre, organisée par Le Bal. Ce titre d'exposition pourrait être le pitch de la série. Paola De Pietri a froidement photographié dans les Alpes, à la frontière de l'Italie et de l'Autriche, les traces de la Première Guerre mondiale : murets, tranchées, abris creusés dans la roche… Le plus souvent ces vestiges sont clairement perceptibles, mais parfois, il est impossible de déterminer ce qui est à voir. Le spectateur est face à un paysage grandiose, sait qu'il s'agit d'un lieu de conflit, mais le temps a rendu celui-ci invisible.
Le travail de Paola De Pietri est remarquable, car il lie –et remixe à la fois– des tendances multiples, parfois opposées, de l'histoire de la photographie et de l'art en général. La méditation romantique sur le temps qui passe ou le goût des paysages sublimes sont contrebalancés par la froideur de la prise de vue qui s'inscrit dans la tradition de "l'objectivité" photographique. L'héritage des New Topographics et de l'école de Düsseldorf est évident. Pour autant, cette rigueur du dispositif est mise au service de la volonté de créer une mémoire. Dans le registre contemporain, ce travail fait écho aux photos d'Afghanistan de Donovan Wylie, également présentées au Bal en 2011. Le titre To Face (faire face) témoigne de l'épaisseur du propos : la photographe fait face au paysage, le spectateur aux images, et tous, aux traces qui s'effacent d'une guerre "longue et massacrante". To Face est une forme de vanité. Pour rendre justice à Paola De Pietri, il faudrait encore évoquer les artistes marcheurs tels Werner Hannappel ou le Land art. On ne peut s'empêcher de projeter l'œuvre de Robert Smithson sur ces empilements de pierres qui se délitent et ces tranchées qui balafrent le paysage.
Paola De Pietri, To Face, Steidl, reliure toilée, 112 pages.
Allez voir ailleurs !
D’autres photos et infos sur le site de Steidl et sur celui des Filles du Calvaire.
Présentation de l’exposition l’exposition Topographie de la guerre sur le site du Bal et compte-rendu par Lunettes Rouges.
Chronique de Outpost de Donovan Wylie dans Ahorn Magazine.
À propos de Robert Smithson, il faut se pencher sur l’excellent ouvrage que viennent de lui consacrer les éditions Alauda Publications. Le choix de photos, croquis, lettres et documents est brillant. Les textes copieux, proposent une lecture contemporaine de l’œuvre de Smithson dans les domaines des modèles d’engagement du spectateur, de l’écologie, ou de la documentation en art. Robert Smithson, Art in Continual Movement, sous la direction de Ingrid Commandeur et Trudy van Riemsdijk-Zandee, Alauda Publications, 240 pages, relié sous jaquette.