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Paul Seawright VOLUNTEER


La représentation de l'invisible dans l'action politique, militaire ou médiatique est sans doute le sujet principal du travail de Paul Seawright. Être né à Belfast, comme l'est également son cadet Donovan Wylie, prédispose peut-être à s'intéresser à ces questions. Les premiers travaux de l'un comme de l'autre portaient sur la représentation du conflit nord-irlandais et son jeu de faux-semblants. Ils se sont ensuite déplacés sur d'autres terrains. L'Afghanistan (Hidden, 2003) et l'Afrique pour Seawright (Invisible Cities, 2007). Ces titres affirment assez clairement son intérêt pour la dissimulation.


Hidden représentait la guerre d'Afghanistan d'une manière volontairement proche de celle des premières photos de guerre au XIXe siècle par Roger Fenton ou Timothy O'Sullivan. Avec Volunteer, Seawright revient sur les dix ans de guerre menée par les États-Unis après le 11 septembre. Mais il inverse la proposition de Hidden. Au lieu d'aller sur le théâtre des opérations, il remonte à la source : au recrutement des soldats au sein des villes américaines, tâche titanesque. Ainsi que le photographe l'indique dans sa préface, depuis une décennie les différentes forces armées américaines ont recruté chaque année entre 280 000 et 300 000 hommes et femmes. Et l'on pense, bien entendu, à la célèbre affiche de l'oncle Sam, le doigt pointé affirmant "I want you for U. S. Army." Prenant à revers la propagande qui valorise le courage et le patriotisme des engagés volontaires, Seawright dresse un constat topographique des lieux de recrutement. Ceux-ci sont aujourd'hui situés dans des banlieues industrielles et commerciales : entrepôts, supermarchés et stations-service cernés de parkings.


Que voit-on ? Rien. Pas même des "Uncommon Places" enchantées par les couleurs vibrantes de Stephen Shore. Juste une Amérique "moche" pour reprendre le fameux qualificatif de Télérama désignant la France périurbaine. Mais un rien cadré au cordeau par Seawright. Et c'est cette opération photographique qui crée de la beauté à partir de la laideur. Lewis Baltz, n'est jamais loin : les apparences ne révèlent rien, et la réalité de la guerre ne se laisse pas réduire à une série d'images, tout comme l'informatique ne se résume pas à la vue des ordinateurs. Les lieux de recrutement dans ces banlieues ingrates sont signalés par un drapeau américain fièrement érigé. Il n'y en a qu'un seul dans le livre. Il faut le chercher attentivement. La guerre est aussi invisible qu'indicible. Volunteer est un merveilleux constat d'échec.


Paul Seawright, Volunteers, Artist Photo Books, reliure cartonnée, 60 pages.


Allez voir ailleurs !

Le site de Paul Seawright. Celui de son éditeur.

Reviews de Donovan Wylie : Maze et Outposts.

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