
Depuis bientôt 45 ans Blow-Up de Michelangelo Antonioni fascine. Au cœur du Londres des Swinging Sixties, le réalisateur y impose la figure du photographe comme "cool". Ce qui, jusque-là, n'allait pas de soi et correspond à l'émergence de la génération de l'après-guerre. Thomas, le personnage interprété par David Hemmings est un beau ténébreux, dandy et séducteur, aussi à l'aise sur un shooting de mode que dans un asile pour sans-abri. Il roule en Rolls-Royce décapotable et prépare un livre de photos. Au restaurant, dans une scène d'exposition, Thomas présente à son éditeur les photos du parc comme un contrepoint paisible au reste de l'ouvrage. Par delà ce glamour qui pourrait être un peu niais, Blow-Up demeure une référence, car Antonioni fait de la question de l'image photographique, et de notre croyance en sa capacité à représenter le réel, le moteur de l'action de son film. Les agrandissements successifs des photos du parc, réalisées, on l'apprend dans Antonioni's Blow-Up, par Don McCullin pour les besoins du film, laissent entrevoir une vérité cachée qui se dissout ensuite dans les grains d'argent. L'image étant finalement incapable de "révéler" le réel.

Le Antonioni's Blow-Up de Philippe Garner et David Alan Mellor est une relecture en image du film. Trois types de photographies sont réunis : les photos d'exploitation (celles que l'on placardait à l'entrée des cinémas), des photos de plateau en noir et blanc et l'ensemble des agrandissements (blow-up en anglais) successifs des images du parc que l'on voit dans le film. Il y a du plaisir, pour qui aime Blow-Up, à se plonger dans ces photos qui sont autant d'arrêts sur image de séquences clefs. Ici, un sublime portrait de Vanessa Redgrave. Là, David Hemmings, littéralement en train de chevaucher le top model Veruschka. Plus loin le même, enfiévré, tentant de comprendre ses propres prises de vue. À voir ces photos, on prend pleinement conscience que, si Antonioni disait à propos de son film "Je questionne réellement la nature de la réalité", il y questionne également la nature du désir.
Deux essais viennent préciser l'ouvrage. Celui de Philippe Garner sous-titré "Photographes, Modèles et Médias, Londres, 1966" est une plongée dans l'univers qui a inspiré Antonioni. Les magazines phares de l'époque, Queen et Town notamment. Garner établit également que la figure du photographe joué par Hemmings, trop souvent perçue comme un décalque de David Bailey, puise en fait à plusieurs sources. Notamment le futur Lord Snowdon ou Terence Donovan. Garner s'intéresse également aux lieux professionnels réels (studios, etc.) où Antonioni a choisi de tourner. Tout ceci serait plaisant, mais anecdotique si Garner ne le reliait à la production, notamment éditoriale, de cette scène photographique des Sixties londonienne. Autre développement pertinent, l'inscription de Blow-Up dans la thématique du voyeurisme photographique au cinéma, dans la lignée de Fenêtre sur cour de Hitchcock.
Philippe Garner et David Alan Mellor, Antonioni’s Blow-Up, Steidl, reliure cartonnée, 144 pages. Conception graphique : Jessica Landon
Allez voir ailleurs !
D’autres pages du livre sur le site de Steidl.
Un site hallucinant pour retrouver les lieux de tournage de Blow-Up et les comparer à leur état actuel. Même les cadrages et les focales sont similaires…