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Silvia Camporesi THE THIRD VENICE


Certains sujets photographiques sont parfaitement casse-gueule. Les chats ou les enfants par exemple. Il en va de même de la représentation de certaines villes. On se souvient des calamiteuses photos de Paris par William Eggleston. Silvia Camporesi ne fait pas dans la demi-mesure et s'attaque au plus énorme cliché qui soit : Venise. Et si elle parvient à échapper au pittoresque, à la platitude ou à l'illustration, elle le doit à son sens du détour et à la scénarisation de ses visions. Le premier détour dont elle use est la mise en abyme. C'est ainsi qu'au sein même de Venise, elle photographie des représentations de la ville : peintures ou objets touristiques forment ce premier motif. Autre détour, user de procédés photographiques pour affirmer un point de vue : celui d'une ville en train de disparaître, ou qui peut-être n'existe pas en dehors du fantasme. Dans un effet de sfumato, îles et palais se dissolvent. D'autres images, qui évoquent le Half awake and half asleep in the water de Asako Narahashi, sont prises à ras de l'eau et la ville semble prête à céder à la submersion. Autre détour encore utilisé par Silvia Camporesi, que ne renierait pas un Bernard Faucon : photographier du faux pour produire du vrai. Certaines photos n'ont pas été prises à Venise, mais à Rimini au sein du parc de loisir Italia in Miniatura où sont reproduits en modèles réduits les principaux monuments du pays. Mais parmi les pages de The Third Venice, ces photos "fausses" sont indiscernables des lieux "véritables".


Autre stratégie déployée par Silvia Camporesi, faire de cette ville improbable qu'est Venise, un lieu de visions, de fantasmagories. Dès l'amorce du livre, un carrousel un peu bancal surnage dans les eaux de la lagune. Et l'on se prend d'emblée à penser aux apparitions manigancées par Fellini dans E la Nave Va. Plus loin surgiront des animaux, ours polaire, éléphant, lapin blanc… Version vénitienne de la Blanche Ophélie, la photographe réactive encore la légende de Teresa Sandon jeune vierge noyée dans un canal. Son fantôme étant censé hanter les parages les nuits de brouillard. Tous ces artifices justifient le titre choisi par Silvia Camporesi. Elle crée une troisième Venise qui n'est ni celle des "vrais" vénitiens, ni celle stéréotypée des touristes, mais sa vision d'artiste d'un lieu que tant de photos prises ont usé dans notre regard.


Silvia Camporesi, The Third Venice / La Terza Venezia, Trolley Books, relié, 104 pages.

Allez voir ailleurs !

Le site de Silvia Camporesi.

D’autres photos de The Third Venice, ici.

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