
Cet automne, JH Engström publie trois nouveaux livres : Sketch of Paris, Ende Und Anfang - Early Trips, et Långt Från Stockholm. Mais aussi, en DVD, un film consacré à Anders Petersen. Outre son écriture photographique immédiatement reconnaissable, Engström déploie un art virtuose de l'editing, du séquençage et de la mise en page. Comme un musicien, il adapte le rythme, les silences (les blancs), la durée à chaque projet. À quelques jours de Paris Photo et du vernissage de l'exposition des photos de Sketch of Paris à l'Institut suédois, rencontre chez lui, à Paris, avec le plus parisien des photographes suédois.
Sketch of Paris se compose de photos faites à Paris au cours des 20 dernières années et Ende Und Anfang - Early Trips, comme son nom l’indique, de photos de tes premiers voyages. Ces livres sont-ils une manière de regarder derrière toi ? De faire le point ?
Je ne pense pas faire un point. Mais oui, c’est un regard en arrière. L’intérêt de regarder en arrière est qu’ensuite, tu ne peux que te retourner et avancer [rires]. Pour regarder derrière soi, il faut avoir un passé. Avant je n’en avais pas, maintenant oui. Il y a tant de choses que j’ai envie d'exprimer, et cette idée de temps passé m’intéresse beaucoup. Ce n’est pas de la nostalgie, plutôt un constat. La notion de temps me préoccupe vraiment. Et bien entendu, le temps est, par définition, très lié à la photographie. Cela me trouble. La question de la mémoire également.
Dans le monde entier, en tout cas dans celui que je connais moi, le monde occidental, nous avons vécu ces 20 dernières années un changement dont nous n’avons pas encore pleinement conscience. C’est d’une telle évidence. Pour une bonne part cela tient à Internet, aux attaques terroristes et à beaucoup d’autres choses encore. Et du coup, je vois maintenant le XXe siècle comme le vieux monde. C’est fort comme changement, je trouve.
Je le ressentais à New York la semaine dernière. J’en suis revenu hier. Ce n’est plus comme avant : la manière dont les gens communiquent, dont ils se comportent dans la rue… Le changement est énorme. J'ai la sensation très forte que ce que j’ai vécu quand j’étais jeune, à une époque sans Internet, est aussi loin que le XIXe siècle. Je pense que cela va se voir dans les photos de Sketch of Paris. Lorsqu’on regardera ce livre dans 10 ans, je suis sûr qu’on se dira “Putain, c’était il y a longtemps ça.” Mais en même temps, c’était il n'y a pas si longtemps.
Le changement n’est pas forcément un mal pour moi. Ende Und Anfang traite de cela. Le titre qui signifie “la fin et le début” est comme une question : quand quelque chose finit-il ? Et quand quelque chose d’autre commence-t-il ? Les époques, les idées… Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai la sensation qu’il ne serait plus possible de faire ces photos aujourd’hui. C’était une autre époque.
Cet entretien a été repris dans mon livreConversations où vous le trouverez dans son intégralité.
French and English version available.
Portrait © David Kregenov