
PHOTOBOLSILLO
Carlos Spottorno
POLKA
numéro 26

La Chronique de Rémi Coignet
The Photobook: a History vol 3 de Martin Par & Gerry Badger, Phaidon
Faisons fi de diplomatie. La parution en 2004 et 2006 des deux premiers ouvrages consacrés par Martin Parr et Gerry Badger aux livres de photographies a changé l’histoire du medium. De rares précurseurs, Horacio Fernandez ou Andrew Roth, s’étaient intéressés au sujet et les collectionneurs – à commencer par les photographes eux-mêmes – existaient bel et bien. Pour autant, les livres n’étaient encore largement considérés que comme un support, un substitut au tirage, à l’exposition. Personne n’avait entrepris d’écrire l’histoire de 150 ans d’édition photographique. La célébrité de Martin Parr a sans doute joué, mais dès lors une prise de conscience qu’un livre peut être une œuvre en soit, à l’instar d’un roman, et non pas un simple recueil d’images s’est propagée. Le marché a pris de l’ampleur tandis que festivals et grandes expositions présentent désormais des livres à côté des tirages.
Dix ans après leur première salve, Parr et Badger récidivent avec un troisième volume. De nouvelles découvertes parmi les livres anciens, quelques repentirs et la volonté de montrer la vitalité de la production contemporaine les ont conduit à remettre l’ouvrage sur le métier. Ce nouvel opus s’ouvre par un chapitre consacré aux livres de propagande conçus par les états totalitaires, l’une des marottes de Martin Parr. « Le graphisme est le point fort de ce type d’ouvrages » explique Gerry Badger. Au fil des chapitres suivants, consacrés entre autre au questions du désir, du lieu, ou de l’identité apparaît la grande thématique de ce volume 3 : un changement profond de paradigme. Le passage progressif chez les auteurs de livres de photographies d’une supposée objectivité à une subjectivité assumée. Et ce jusque dans le reportage de guerre. Ainsi de Susan Meiselas qui dans In History interroge de manière critique sa propre pratique.
Chacun aura le loisir de déplorer l’absence de tel ou tel livre ou au contraire de critiquer le choix de tel auteur. Reste que Parr et Badger assument eux aussi leur subjectivité : comme l’indique le titre de l’ouvrage, il s’agit là d’« une histoire ». La leur. On ne peut que les remercier de leur contribution essentielle à la reconnaissance du livre comme forme majeure de diffusion de la photographie.
+ Gomorrah Girl de Valerio Spada, Twin Palms
